Le mur de soutènement : repenser l’architecture du territoire
En tant que degré zéro de l’infrastructure, le mur de soutènement « est destiné à servir d’appui à une construction ou à contenir la poussée des terres à un changement de niveau du sol » (CNCRTL). D’un morceau de terre contenu, c’est le territoire tout entier qu’il consolide et met en forme : objet de tranchées des voies, soubassement d’édifices, obstacle des fortifications, ou encore mur de culture en terrasse, il incarne une multiplicité de formes qui le rattachent à différentes manières d’habiter le territoire. Telle une approche phénoménologique du mur, il s’agit de décrire cet objet dans sa dimension physique et matérielle afin d’exposer les récits de l’aménagement territorial auquel il est sujet, à la croisée de l’architecture, du paysage et de l’infrastructure. Au-delà d’un aspect technique et structurel auxquels il est communément rattaché, la recherche vise à démontrer qu’il existe une beauté inhérente au mur de soutènement, réglée par un ensemble de pratiques symboliques, d’expériences visuelles et de relations esthétiques immédiates avec le paysage. Favorisant une lecture architecturale du soutènement, cette thèse par le projet s’attache, enfin, à concevoir des dispositifs de soutien des sols qui renforcent une relation sensible avec notre environnement ; en révélant d’une part les éléments naturels et les ressources du territoire, et en incarnant d’autre part le motif d’un paysage.
De quelles manières le soutènement est un outil opératoire et théorique pour comprendre l’aménagement du territoire ? De quel(s) récit(s) fait-il partie ? Quelles sont les usages et possibilités spatiales qu’il peut générer dans un environnement urbain et naturel ? Ou encore, comment donner une signification à un nouveau paysage ? Tous ces questionnements tentent in fine de considérer le soutènement comme une limite qualitative dans l’espace, et de renouveler, d’autre part, notre relation aux éléments construits qui nous entourent.
Thèse en préparation à CY Cergy Paris Université dans le cadre de Arts, Humanité, Sciences Sociales, en partenariat avec Laboratoire de recherche de l'Ecole nationale supérieure d'architecture de Versailles (laboratoire) depuis le 01-10-2020.
Directrice de thèse : Susanne Stacher, architecte, professeure HDR à l’ÉNSA Versailles
Co-encadrant : Cédric Libert, docteur en architec-ture, directeur de l’ENSASE
Doctorante : Ophélie Dozat
Taxonomie des murs de soutènement existants
Corpus historique de soutènements
Taxonomie de micro-architectures du territoire
Infrastructures du paysage, relevé photographie dans les Grisons et le Tessin, 2022. Photos: Ophélie Dozat
Cette recherche aborde le mur de soutènement dans une démarche de valorisation : abstraire le mur de son contexte initial, dans une forme d’indépendance et d’autonomie formelle permet de lui trouver d’autres conditions d’existence, de franchir les frontières de l’ingénierie pour tendre vers le domaine de l’architecture. Car avant d’être une structure technique qui soutient des forces mécaniques, c’est avant tout une structure physique qui met en forme la terre dans l’objectif d’habiter (sur) le sol.
Procédant à la mise en œuvre d’un travail de déblai et du remblai des terres que caractérise le terrassement, le mur de soutènement renvoie à l’édification d’une limite bâtie, faite de pierres ou de béton armé, qui cristallise notre anthropocène. Ainsi, entrevoir cet ouvrage d’art dans son essence première – philosophiquement et géologiquement - c’est revenir sur les fondamentaux de la construction du territoire, telle une mise en récit de notre manière d’habiter les sols et qui commence par l’édification de ce mur. Alors, comment lire autrement cette infrastructure et la relier au monde sensible, telle une architecture des talus qui réactualise notre rapport à l’aménagement du territoire ? Quels sont les effets et les impressions qu’elle nous laisse ? Est-elle belle ? Valorise-t-elle le paysage ? Si oui, comment juger de sa beauté et de son efficacité in situ ? Dans la volonté d’esquisser une poétique vécue du mur de soutènement, quelle forme de réconciliation opère-t-elle avec la nature ? Et quelle est l’échelle temporelle de ce nouveau récit ?
Ici, le mur est dialectique ; il retranscrit une dualité toujours plus forte entre l’espace fictif et la réalité d’un lieu, l’action anthropique et les forces naturelles en mouvement, ou encore entre la domination de la nature et une forme de réconciliation, lorsque le soutènement et le sol ne font plus qu’un.